Le visiteur qui arrive à Kindia est instantanément plongé dans un chaos orchestré de klaxons, de cris entrelacés et de vrombissements de moteurs. Aux abords d’une station-service, juste à l’entrée de la commune urbaine, une bande de jeunes hommes, casques à la main, surveillent les premiers passants avec une attention particulière. Mamadou Saliou Diallo, diplômé en Géographie de l’Université Général Lansana Conté de Sonfonia, partage ouvertement son expérience dans cette activité qu’il exerce depuis trois ans. Pour ce jeune homme âgé de 28 ans, c’est avant tout une question de survie.
« Je suis dans ce métier depuis des années. Auparavant, je travaillais dans l’atelier de broderie de mon père, car je n’avais pas trouvé d’emploi. Cependant, je gagnais à peine assez pour nourrir mes deux enfants et ma femme », confie-t-il en ajustant sa visière fendue. Sa moto, une TVS d’occasion, a été achetée à crédit. « Je dois rembourser 300 000 GNF par semaine au propriétaire, et il me reste encore cinq mois avant que la moto ne devienne mienne », explique Mamadou Saliou Diallo.
À Kindia, comme dans d’autres régions du pays où cette activité est florissante, le secteur des taxi-motos emploie principalement des jeunes issus de milieux défavorisés, souvent déscolarisés. En l’absence d’emplois formels, cette activité représente une bouée de sauvetage. Cependant, elle comporte aussi de nombreux risques. Pour cette étudiante, le choix est limité.
« Je n’ai pas vraiment le choix. Soit je prends une moto pour arriver à l’université à l’heure, soit je manque mes cours. Mais j’ai toujours peur. Les conducteurs ne sont souvent pas prudents, ils ne respectent pas le code de la route, et certains nous mettent même en danger », confie cette mère de famille.
Le revers du casque : insécurité et précarité
En 2024, plus de 2000 accidents de la circulation impliquant des moto-taxis ont été recensés par les services de sécurité routière en Guinée. Le port du casque, bien qu’obligatoire, est souvent ignoré. Certains conducteurs admettent même rouler sans permis de conduire.
« Nous sommes livrés à nous-mêmes », se lamente Alpha, 32 ans, victime d’un accident qui l’a tenu éloigné de la route pendant deux mois.
Face à cette insécurité croissante dans la ville des agrumes, le gouverneur de Kindia a récemment interdit la circulation des moto-taxis après minuit. Une mesure vivement saluée par les citoyens de Kindia, qui espèrent une application stricte de cette interdiction.
Barry mô Boke