À Boké, le service de lotissement n’existe que par le nom. Cette ville minière, érigée en zone économique spéciale, connaît depuis plusieurs années une transformation fulgurante. L’installation massive des sociétés minières a agi comme un aimant, attirant chaque mois des centaines d’ouvriers et de jeunes à la recherche d’un emploi. Mais cette attractivité s’accompagne d’un revers : une urbanisation anarchique qui redessine le visage de la ville à un rythme effréné.
Partout, des constructions surgissent, souvent sans autorisation ni plan d’aménagement. Dans le secteur périphérique comme 400 bâtiments, à l’entrée de la ville depuis la capitale, le désordre saute aux yeux. Les habitations se serrent les unes contre les autres, des kiosques improvisés et des bars en tôles colorées empiètent sur la chaussée. Les ruelles, étroites et sinueuses, ressemblent parfois à un labyrinthe où il devient difficile de distinguer l’espace public de l’espace privé.
Le centre-ville n’est pas épargné. Dans des quartiers comme Gorèye Dibiya ou Tomboya, l’absence totale de planification expose les habitants à de graves risques. En saison des pluies, les eaux de ruissellement, bloquées par les constructions illégales, se déversent dans les habitations et transforment les marchés en mares boueuses. Le marigot du Pont de fer, fierté patrimoniale de Boké, se meurt à petit feu, ses berges grignotées par des installations sauvages et des remblais incontrôlés.
Dans d’autres zones, comme Koulifanya ou Baralandé, la situation devient critique : certaines rues sont si étroites que les véhicules peinent à circuler. Des murs et clôtures avancent sur l’espace public, obligeant les piétons et les motos à se faufiler au risque de provoquer des accidents.
Les causes de ce désordre urbain sont connues : manque de rigueur dans la gestion foncière, laxisme des autorités locales et absence de contrôle. Les textes existent pourtant le code de l’urbanisme, code foncier, code de la construction et de l’habitation mais restent lettre morte.
Face à cette urbanisation sauvage, l’avenir de Boké se joue maintenant. Sans une application stricte des lois et une volonté politique forte, la ville minière risque de voir son expansion devenir un frein à son développement, étouffée par le béton mal placé et la désorganisation.
Mamoudou Kankako